Port-Saint-Louis-du-Rhône abrite déjà une solide activité nautique avec ses six ports de plaisance mais souhaite booster son économie en aménageant la presqu’île du Mazet, un terrain de 300 hectares qui offre une superbe possibilité de redevenir une place de premier choix pour le secteur maritime.
Coincée entre le grand port maritime et la Camargue, la ville de Port Saint-Louis du Rhône a été longtemps oubliée dans sa solitude à l’extrémité occidentale de la Métropole. Pourtant son positionnement stratégique à l’embouchure du Rhône a longtemps fait de la commune la porte d’entrée privilégiée des navires arrivant de Méditerranée pour remonter le fleuve. Sur la presqu’île du Mazet, au sud de la commune, d’anciennes friches industrielles témoignent encore d’une histoire maritime florissante. La nouvelle équipe municipale, menée par Martial Alvarez élu en 2014, souhaite renouer avec ce glorieux passé grâce à la création d’un nouveau pôle nautisme et mer.
Cet ambitieux programme d’aménagement et de développement économique concerne une zone de plus de 300 hectares de l’autre côté du canal Saint-Louis. Aujourd’hui, elle abrite toujours deux ports à sec, deux ports à flot, des ateliers conchylicoles, des services de réparation navale et l’entreprise de conserves Ferrigno : « Nous souhaitons évidemment conserver les activités existantes. Nous allons tout faire pour les développer et attirer de nouvelles entreprises », annonce Martial Alvarez. Le maire de Port Saint-Louis s’inspire en fait d’un projet qui a commencé dans les années 2000 sous la mandature de son prédécesseur, Philippe Caizergues. A l’époque, l’édile a demandé au San Ouest-Provence de réaliser des études environnementales pour connaître les terrains qui pourraient accueillir de nouvelles activités. Battu en 2008 par le communiste Jean-Marc Charrier, le maire a vu son projet relégué au second plan mais les services de l’ancienne agglomération ont poursuivi leurs travaux. Tant et si bien que Martial Alvarez dispose désormais d’une base solide pour relancer le programme. En 2015, il a créé une société publique locale (SPL) pour mener à bien son projet. La Ville a déjà apporté un million d’euros à son capital et la Métropole a abondé à hauteur de 800 000 euros. « Avec les subventions et les messages politiques favorables, on sent qu’une bonne fée est en train de se pencher à nouveau sur Port-Saint-Louis », s’enthousiasme Patrice Picon, le directeur général de la SPL. Si la plan d’aménagement du pôle est toujours en cours d’élaboration, les grandes lignes ont déjà été tracés.
Un parc de 3 ha et une pépinière de start-ups
A l’entrée de la presqu’île, un grand parc de 3 hectares sera le premier chantier engagé par la commune. Il accueillera des activités de loisirs pour les seniors et les enfants : jeux aquatiques, boulodromes, skate-parc, parcours sportifs… « Un véritable poumon vert au bord des quais du canal pour les habitants et les touristes », affirme Martial Alvarez. La Région a accordé une subvention de 420 000 euros pour la réalisation du parc au titre du contrat régional d’équilibre territorial (Cret). La première phase du projet porte également sur l’ancien port de pêche situé sur la même rive du canal. La bâtiment existant est actuellement occupé par les pêcheurs mais cette activité sera relocalisée au sud de la presqu’île. En lieu et place de l’édifice, la Ville souhaite créer un espace de 6 000 mètres carrés dédié à la mer et la plaisance. Un bâtiment de 3 000 mètres carrés sera dédié à l’hébergement de start-ups travaillant dans le secteur maritime « La fédération du nautisme nous envoie déjà des projets que nous regardons de près. On souhaite accueillir des entreprises ayant un lien avec la vocation maritime du site comme des drones aquatiques ou du câblage sous-marin », précise Patrice Picon qui souhaite également y installer les bureaux de la SPL. Au rez-de-chaussée, une dizaine de boutiques sont attendues (restauration, magasins de pêches, articles de plage…). Il estime l’investissement nécessaire à la réalisation du bâtiment à 10 millions d’euros. Le plan de gestion des espaces naturels doit encore être validé par les services de l’État mais la mairie table sur un lancement de cette première phase de travaux d’ici la fin 2019. Pour donner une touche environnementale supplémentaire à son projet, la commune veut créer une forêt environnementale de 22 hectares composée de 300 éoliennes-arbres qui traversera la presqu’île de part en part : « Elle produirait 2 000 millions de KwH par an permettant à l’ensemble de la zone imaginée d’être autonome en énergie », explique Patrice Picon. La Métropole a alloué 200 000 euros à la SPL pour mener les études de ce projet.
Les métiers de la mer sur la rive sud
Les activités de pêches seront réunis sur un terrain de 2,5 hectares situé au sud-est du projet. Au centre de cet espace dédié, la Ville prévoit de créer un centre des métiers de la mer qui abritera, par exemple, des bassins ostréicoles ou de l’élevage de crevettes. Une maison des produits de la mer pourra permettre de mettre en avant le savoir-faire des artisans locaux. « Aujourd’hui, il n’existe pas d’espaces de dégustation de nos produits dont la réputation commence à grandir. Il faut accueillir les clients dans des locaux adaptés », estime Martial Alvarez. Un peu plus loin, à côté du port Napoléon, le pôle nautisme veut se doter d’un centre de formation aux métiers de la mer. Aujourd’hui, le lycée Henri Leroy propose sur le site des formations de manutentionnaire mais la Ville souhaite élargir ces activités. A terme, elle prévoit d’y accueillir 60 élèves par an dans un bâtiment de 600 mètres carrés pour des formations autour de la réparation de moteurs, de comptabilité ou de marketing. Le port Napoléon devrait également profiter de ces aménagement pour se développer. Il propose actuellement 245 places à flot et 1 000 places à terre sur un terrain de 13 hectares. Avec le pôle nautisme, il a mis une option sur une extension de 9 hectares pour pouvoir accueillir 800 bateaux supplémentaires à terre. En début d’année dernière, le port a été racheté par le groupe Ad’hoc qui n’a pas confirmé pour l’instant les ambitions affichés par le précédent propriétaire : « J’ai rencontré les nouveaux dirigeants et nous attendons une confirmation rapide de leur part », prévient le maire. Ce dernier doit également négocier avec le grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM) qui détient du terrain le long du canal Saint-Louis.
Un accord avec le GPMM en 2018
« Quand on propose des projets sur des parcelles appartenant au port, il faut rapidement prendre contact », avoue Patrice Picon. Ainsi, la Métropole et la SPL ont déjà entamé les discussions pour convaincre le GPMM de lui céder ses surfaces. Sur le principe, le port semble prêt à aider la Ville à réaliser son projet mais comme pour l’ensemble de ses biens, il n’est pas prêt à s’en séparer gratuitement. « Dès qu’on pose des conditions financières, c’est plus difficile », admet Martial Alvarez. La mairie a deux options : un transfert de gestion ou une autorisation d’occupation temporaire (AOT), le tout moyennant un loyer abordable si possible. « On va certainement devoir passer dans un premier temps par une AOT pour le premier terrain qui est sur la zone du parc du Mazet pour étaler les dépenses. On envisagera un transfert de gestion par la suite », explique le maire. Il espère trouver un accord avec le port dans le courant de l’année afin de ne pas retarder le début du chantier. Actuellement, le port ne détient que 5 % du périmètre du pôle nautisme mais ces bords à quai sont particulièrement importants dans le projet. La mairie et la métropole maîtrisent 60 % des terrains, la CCI d’Arles est propriétaire des 20 ha au nord du port de Napoléon, l’État détient 10 % et 15 % sont toujours accaparés par des privés.
Si le projet du pôle nautisme et mer de Port-Saint-Louis est déjà bien avancé, il est toujours en évolution et la mairie reste ouvert aux propositions des investisseurs. « J’ai beaucoup de demandes d’acteurs de la déconstruction de navires mais je n’en veux pas », prévient Patrice Picon. Par contre, il existe des friches industrielles en face de l’actuel bâtiment des pêcheurs qui intéressent des constructeurs de navires : « Un dossier est à l’étude pour faire appel aux fonds Feder de la Région », se contente de dire le directeur de la SPL.
Une autre option semble grandement intéresser la commune : l’installation d’un port dédié à l’accueil et l’entretien de catamarans le long du canal Saint-Louis. « On réalise actuellement les études pour creuser une nouvelle darse permettant d’accueillir ces navires légers. Cette activité s’inscrirait pleinement dans notre vocation de plaisance », affirme Patrice Picon. Des investisseurs , des « têtes de pont de l’industrie maritime », sont déjà venus visités le site et se sont montrés très intéressés. Si le maire de Port-Saint-Louis espère lancer la première phase de son projet avant la fin de sa mandature en 2020, il va devoir déjà débourser plus de 20 millions d’euros. L’extension des activités privées et la relocalisation des pêcheurs interviendront certainement dans un second temps « d’ici 2025 », selon le maire qui estime que pour arriver à bout d’un programme de cette taille il faudra attendre une vingtaine d’années.