Une heures 20 à la tribune, face à une foule, chauffée à blanc. Quand Marine Le Pen monte tout sourire sur la scène un film vient de s’achever. Une dizaine de minutes censées décrire la France telle que le Front National la voit. Une France forte de ses valeurs. On filme les villages des quatre coins du pays où il fait bon vivre. La musique devient alors de plus en plus forte, puis se tait. Le grand oral de la présidente du Front National peut commencer.
« La sortie de l’Europe est indispensable »
Et face aux centaines de militants présents dans la salle, Marine Le Pen s’est attachée, peut-être un peu plus que d’habitude à ne surtout pas s’écarter du cœur des thèmes de prédilection de son parti. L’Europe tout d’abord. Marine Le Pen l’affirme : « La sortie de l’Europe est indispensable. Nous prenons l’engagement d’abroger la directive des travailleurs. Nous mettrons fin à cette directive de la honte qui instaure sur notre territoire la préférence étrangère à l’emploi ! »
De l’Europe à la crise agricole, là aussi la patronne du FN pointe du doigt les dirigeants actuels face à la situation. « Les responsables sont les gouvernements français, ces paillassons sur lesquels l’Allemagne et l’Union européenne s’essuient les pieds ». Et de marteler : « Débarrassons nous des dogmes, rétablissons des quotas là où il en faut (…) Nous mènerons une politique qui rétablira les contacts avec la Russie car la guerre froide est terminée depuis 25 ans ». Et d’ajouter : « Si ce gouvernement ne fait rien pour l’agriculture, il pourra encore moins faire pour la hausse du chômage ».
Mais le thème majeur de l’après-midi arrive sous forme de plat de résistance, l’immigration. Et là encore, Marine Le Pen s’engouffre franchement dans l’actualité marquée ces dernières semaines par la crise liée à l’accueil des migrants en France et dans les pays voisins. A ce sujet d’ailleurs, Marine Le Pen affirme que « la cohésion d’un peuple est un élément fondamental de la vie d’une nation. Pourquoi personne à part nous n’est là pour le défendre ? lance Marine Le Pen qui parle de « destruction migratoire » et de « déconstruction de l’identité nationale ».
« Il est aussi tragique que notre pays soit déclassé, humilié, écrasé »
« Nous n’avons ni les moyens de les soigner, ni de les employer. L’immigration n’est pas une chance, c’est un fardeau. Elle ne ressemble pas à celle qu’a connu notre pays au siècle dernier. C’est une immigration économique qui pèse à la baisse sur nos salaires, nuit à la cohésion du peuple, pèse sur le système de santé » fustige l’eurodéputée. « Notre pays n’a plus les moyens, l’envie ni l’énergie d’être encore généreux avec la misère du monde (…) Oui, il est tragique que des peuples du monde soient dans la misère, mais il est aussi tragique que notre pays soit déclassé, humilié, écrasé (…) Envers et contre tous nous devons parler du fardeau migratoire, défendre le peuple français et faire cesser cette culpabilisation insensée favorisée par des élites qui regardent l’immigration depuis un balcon. »
Près d’une demi-heure sur ce thème, épicentre d’un discours qui prend alors des formes de grand oral où Marine le Pen balaye l’actualité. Une actualité qui avance à grands pas vers les élections régionales. La région Paca, le FN y fonde de grands espoirs avec une tête de liste conduite par Marion Maréchal Le Pen. Pour planter le décor, sa tante fait le lien avec les dernières sorties médiatiques des candidats à la primaire de l’UMP. Aucun d’entre eux n’est alors épargné. « Nicolas Sarkozy a parlé de brutalité à mon sujet. Mais venant d’un homme qui parle “d’éclater le bègue Bayrou, de pendre Villepin à un croc de boucher, un homme qui traite « d’eunuque” François Fillon, les propos de Nicolas Sarkozy sont terribles pour lui-même. Cet homme, qui essaie à chaque élection de faire croire qu’il a changé, avoue par ses propos en fait qu’il ne fera rien. Se contenter de bons sentiments, intimer l’ordre aux populations d’accueillir les clandestins, c’est en inviter bien d’autres à tenter la traversée macabre de la Méditerranée. Nous n’avons pas de leçons d’humanité à recevoir de ces irresponsables politiques. Surtout quand ils vous jettent la mort d’un enfant au visage pour avancer leur politique ».
« Avec cette université d’été, une page se tourne »
Il est un peu plus de 16 heures quand vient alors le temps du dessert, sous forme de bouquet final. La campagne pour les régionales. « Nous sommes prêts à gouverner » lance fièrement Marine Le Pen. Elle ajoute : « Il existe en France une majorité silencieuse qui pense qu’une autre politique est possible et souhaitable (…) Ce pouvoir tient debout parce que le peuple ne dit rien. Sans l’assurance de la majorité il n’a plus de pouvoir. Le jour où la majorité reprendra la parole approche, nous serons à ses côtés. Avec cette université d’été, une page se tourne. Car le monde change (…) Ce monde où il ne s’agit plus de faire vivre notre identité mais de la défendre, délitée par l’idéologie mondialiste et multi culturaliste, ce monde où le bonheur des peuples se mesure aujourd’hui à la structure de leur consommation. Nousdevons anticiper ces bouleversements ! ».
Puis la Marseillaise retentit. Le week-end du FN avait commencé dans la cacophonie des différentes salves entre père et fille. Dimanche après-midi, la fille semble avoir eu le dernier mot, jusqu’au prochain épisode de la saga familiale.
Jean-Marie Le Pen : l’absent omniprésent
Jusqu’au dernier moment, le fondateur du Front National, exclu de son parti aura préservé le suspens. Chronique d’un début d’après-midi où Jean-Marie attendu par certains, redoutés par d’autres a brillé par son absence. En arrivant au Parc Chanot dimanche, sous un franc soleil, il suffisait de quelques secondes pour que l’on parle de lui. Lui, Jean-Marie Le Pen. Sa présence ou non lors du dernier jour de l’université d’été du Front National était sur toutes les lèvres. Elus, journalistes et militants avaient leur avis sur la question.
Jean et tee-shirt noir
Philippe, la quarantaine déambule devant le hall où doit se tenir le discours de Marine. Il lance à une équipe de journaliste : « Avec ma femme nous étions au repas qu’organisait Jean-Marie hier. C’est certain il sera là, vers 14h… peut être 14h30. Juste avant le discours de Marine en tout cas ». En ce qui concerne la question de la sécurité en cas de présence de celui que personne ne désire parmi les dirigeants actuels du FN, Philippe est tout aussi bien renseigné : « Je ferai partie de son équipe. Si le service d’ordre en place ici nous laisse entrer tout ira bien. Sinon, on se chargera physiquement de permettre Jean-Marie Le Pen d’entrer dans la salle ». L’avertissement est lancé.
Le temps passe et la rumeur d’un « coup » de Jean-Marie Le Pen s’affaibli soudain. Peu avant 14 heures 30, l’info se répand, Jean Marie Le Pen a fait savoir à certains journalistes qu’il ne jugeait pas bon de venir. Après avoir résidé au Sofitel Palm Beach, sur la Corniche, un avion l’attend sur le tarmac de Marignane. Au même moment, Marine Le Pen débute son discours, soulagée, certainement.