Pouvez-vous présenter la Fédération des entreprises d’insertion Paca ?
Nordine El Miri : C’est une fédération qui regroupe des entreprises d’insertion de la région Paca. Sur 90 entreprises d’insertion présentes sur le territoire, on en fédère entre 47 et 50, ce qui représente 3000 salariés pour un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros.
Qu’est-ce qu’une entreprise d’insertion (EI) ?
N.M. : C’est une entreprise à part entière qui se distingue des autres entreprises par sa finalité sociale. Car, au-delà de sa vocation économique, elle vise l’insertion sociale et professionnelle de personnes éloignées de l’emploi, en les aidant à construire un projet professionnel, en leur permettant de retrouver une place dans la société en les encadrant, les accompagnant et les formant. Ce sont des TPE-PME de droit commun, sous statut commercial ou associatif, soumises aux mêmes règles fiscales, juridiques et économiques que l’entreprise classique. Elles sont rattachées à la convention collective de leur secteur d’activité et disposent des mêmes droits et mêmes devoirs que toute entreprise. La nature hybride de nos PME-TPE les oblige à la transversalité, au partenariat, au faire ensemble.
Quels sont vos objectifs à la tête de cette fédération ?
N.M. : L’objectif premier, c’est promouvoir nos entreprises auprès des collectivités locales et des partenaires locaux. Faire de la pédagogie donc, pour expliquer ce que sont les entreprises d’insertion et en quoi elles représentent un outil efficace, gagnant-gagnant, tant pour l’accès à l’emploi que pour le développement de l’économie locale. Le paysage politique a changé depuis un an et je reprends mon bâton de pèlerin pour me rendre chez les élus. Hier, le directeur de cabinet de Christian Estrosi, la semaine dernière, le vice-président de la Métropole délégué à l’emploi, à l’insertion à l’économie sociale et solidaire, Martial Alvarez. Ils nous accueillent volontiers et se montrent intéressés dès qu’ils ont connaissance de notre activité. C’est une grande part de mon rôle : nous faire connaître. Souvent, on a des a priori sur les entreprises d’insertion, on pense qu’elles sont assistées par l’Etat. Contrairement à ce que l’on peut croire, elles paient leur personnel en insertion comme des salariés classiques, avec les mêmes charges patronales. Elles ne bénéficient d’aucune réduction. L’Etat, par le biais de divers organismes, les subventionne en fonction de critères bien précis quant à la réussite de l’insertion. Le statut d’entreprise d’insertion est une finalité pour participer à la lutte contre le chômage.
Comment allier compétitivité économique et insertion ?
N.M. : Il faut créer des ponts entre le monde de l’insertion et l’économie classique. La transversalité, c’est le terme clé. L’entreprise marseillaise Territoire par exemple, est une métallerie comme une autre, avec des grosses machines, des salariés, des réalisations. Ces ponts-là sont utiles au public qui passe par ces entreprises et qui doivent trouver des emplois pérennes ensuite. Cela permet aussi des alliances commerciales avec les PME classiques pour capter des marchés. Il existe même des entreprises qui prennent du capital dans nos EI. La stratégie est d’être à l’affut des opportunités qui peuvent se construire avec pour objectif de créer de l’emploi.
Quelles mesures avez-vous déjà entreprises depuis 2013 ?
N.M. : L’axe depuis le début de mon premier mandat en 2013 est le décloisonnement. Il faut que la Fédération sorte de l’anonymat et du circuit fermé de l’insertion pour se positionner en plein cœur du monde économique. Je fais par exemple partie du Conseil d’administration du Medef Paca.
Comment développer ce marché de l’insertion ?
N.M. : L’ensemble des marchés publics peut prendre en compte l’insertion par l’activité économique. Cela se traduit dans le code des marchés publics par toute une série de dispositifs identifiés sous l’appellation de « clauses sociales dans les marchés publics ». Ainsi, selon l’article 14 du code des marchés publics (CMP), l’insertion peut être une condition d’exécution du marché à la demande du maître d’ouvrage. Si l’on se réfère à l’article 53, l’insertion peut également devenir l’un des critères de choix de l’entreprise attributaire. Mais il n’y a rien d’obligatoire. Cela dit, la Région s’y met peu à peu, Nice aussi, et le Conseil départemental impose des clauses d’insertion de 5 à 10% aussi. Cela fait partie du champ plus large de la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Que reste-t-il à faire ?
N. M. : Il faut amplifier le mouvement. Nous sommes contraints par notre taille. L’Etat donne le même nombre d’agréments depuis des années. Plus nous aurons d’acteurs locaux puissants avec nous, plus nous pèserons de poids pour obtenir des nouveaux agréments et plus nous serons entendus. Nous avons connaissance de vrais porteurs de projets innovants. Ce serait dommage de passer à côté d’eux. La Fédération regroupe des petites entreprises qui font 1 million d’euros de chiffre d’affaires et d’autres, plus grandes, plus connues, qui affichent 25 millions d’euros par an. Le Marseillais Quartier Maro, par exemple, a déposé de nombreux brevets dans le domaine de la maroquinerie. La Varappe, un groupe aubagnais, a mis au point le dispositif Homeblock, qui transforme des conteneurs en logements ou en bureaux, provisoires ou durables.