L’organisation citoyenne Vigilobb, créée à Paris par des lanceurs d’alertes, vient de s’implanter à Marseille. L’occasion pour Gomet’ de faire un point sur les valeurs et les futures actions de l’association visant à mener la vie dure aux lobbys en tout genre.
Bruxelles, sa Commission européenne, ses milliers d’employés et ses nombreux lobbyistes. La capitale euro-belge est devenue en l’espace de quelques décennies une ville à part dans le monde à tel point qu’elle talonne Washington, pour devenir la deuxième capitale mondiale en nombre d’influenceurs.
Le Vieux Continent est petit à petit venu concurrencer les États-Unis, un pays ayant institutionnalisé le lobby. En France, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 sommait la création « d’un répertoire numérique, pour assurer l’information des citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics », selon l’article 18-1. « Même si cette avancée semble notable, dans un monde embourbé par les lobbyistes de tout bord, elle ne suffit pas», selon le membre-fondateur de Vigilobb, Sébastien Barles. « Il faut créer une contre-expertise citoyenne, lors de l’étude de lois, ou d’appels d’offres de marché public. La loi de moralisation est plutôt un bon début, mais elle ne s’attaque pas vraiment au fond. Certains ministres ont des intérêts dans le privé comme Agnès Buzyn ou M. Phillippe. L’actuel Premier ministre était lobbyiste chez Areva, il est devenu député par ce truchement. »
Vigilobb souhaite mettre fin aux « portes tournantes »
Pour éviter des situations de possible conflit d’intérêts ou d’influence, l’association préconise la mise en place d’un délai de carence de cinq ans qui s’applique déjà au Canada (voir encadré). L’idée étant d’empêcher les politiques et élus de pouvoir basculer dans le secteur privé ou l’inverse, et donc aller plus loin que nos cousins d’outre-Atlantique. Par cette loi, les militants anti-lobbys ont la volonté d’arrêter le phénomène des « portes tournantes », correspondant au fait qu’un élu ou cadre d’une société navigue bien souvent d’un poste à un autre sans ouverture de poste, et donc aucune procédure de recrutement.
De même, l’organisation souhaiterait la création d’un pôle d’expertise scientifique indépendant. Pour ne pas grever le budget de l’État, les coûts de fonctionnement, évalués à 20 millions d’euros, pourraient être assurés par la suppression des réserves parlementaires, équivalentes à 150 millions. La disparition de ses enveloppes, accordées aux députés, est actuellement en discussion dans le cadre de la loi sur la moralisation de la vie politique, pour éviter toute collusion entre la sphère publique et privée.
Pour le moment, Vigilobb n’est pas encore une association reconnue par les statuts de la loi de 1901. Elle regroupe trois collèges, l’un constitué de personnalités morales, l’autre de partenaires (associations), et un dernier d’adhérents regroupant environ 500 personnes. Elle cherche dans un premier temps à territorialiser son action, avant de se constituer en tant qu’association.
« Je pensais que Marseille avait le pompon du favoritisme… »
En parlant de territoire, Marseille semble être un terreau propice pour les lanceurs d’alerte et les militants souhaitant lutter contre les lobbys. Les exemples d’intervention d’influenceurs sur les décisions locales sont légion à en croire certains intervenants présents, lors de la conférence tenue le 11 juillet. Bernard Mounier, président d’EBC Paca, dénonce-lui le « favoritisme, déjà divulgué par la chambre régionale des comptes en 2014 », et dont aurait bénéficié Veolia, lors de l’attribution du marché de l’eau, ayant occasionné les gardes à vue de Martine Vassal et Loïc Fauchon.
Le secteur de l’eau n’est pas le seul impacté «par ce genre de manipulation», selon l’architecte André Jollivet : « J’ai été président de l’ordre des architectes sur la région Paca, j’ai de quoi écrire un livre énorme sur les affaires dans ce milieu et ce territoire. Je pensais que Marseille avait le pompon du favoritisme, mais Nice me semble bien devant ». Car le favoritisme résulte bien souvent d’un jeu de pouvoir. Entre d’un côté une entreprise privée souhaitant décrocher un marché public et de l’autre une administration souhaitant régler au plus vite un problème local. Et le centre national de ressources textuelles et lexicales de définir le mot lobby comme étant « un groupement, organisation ou association défendant des intérêts financiers, politiques ou professionnels, en exerçant des pressions sur les milieux parlementaires ou des milieux influents, notamment les organes de presse.»
Le manifeste Vigilobb
Alors que Bruxelles semble s’accommoder de la présence des lobbyistes, autour de la Commission et des autres organes décisionnels du continent. Pour Les lanceurs d’alerte régionaux, il devient important d’agir, en impulsant une prise de conscience citoyenne, par le biais de Vigilobb.
Dans le but de mailler le territoire, et entraîner les citoyens dans ce mouvement de clarification de la vie politique. Sébastien Barles prévoit de lancer un Lobby Tour sur Marseille, dès cet automne. Ainsi qu’un forum des lanceurs d’alertes le 25 janvier 2018 au Mucem.
En attendant, le responsable local de Vigilobb appelle les citoyens à signer le manifeste pour lutter contre les lobbys, mais aussi à envoyer les cartes postales, distribuées par le groupe de vigilance, aux députés pour faire remonter leurs deux projets de loi, que se soit celui sur le délais de carence, ou sur la création d’un pôle d’expertise indépendant. Un militant de conclure « Marseille n’attend pas la loi de moralisation de la vie politique, elle agit dans le présent afin de faire changer les mentalités. Et surtout briser l’hégémonie intellectuelle qui conditionne la politique » non seulement sur les bords de la Méditerranée, mais aussi au niveau national.
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Crédit photo : compte Facebook de Vigilobb.