Gomet’ : Vous venez d’être élu président du pôle SCS pour deux ans. Comment envisagez-vous votre mandat ?
Lionel Lapras : Sous le signe de la continuité essentiellement car notre pôle de compétitivité fonctionne déjà très bien et avec un peu de changement pour s’adapter aux dernières évolutions technologiques. Avec environ 300 adhérents, nous avons atteint une taille suffisante. Les deux tiers de nos membres sont des start-up et des PME. L’une de nos missions principales est de les accompagner dans leur développement. Si nous nous étendions davantage, il serait difficile de maintenir un niveau de proximité suffisant. La croissance des TPE passe notamment par une plus grande collaboration avec les grands groupes. Nous allons donc multiplier les passerelles. Il va falloir travailler tous ensemble pour prendre le virage des technologies émergentes qui vont révolutionner le marché.
Quelles sont les technologies prioritaires sur lesquelles il faut concentrer les moyens ?
L.L. : Nous sommes bien positionnés sur l’internet des objets mais leurs usages sont en train de se généraliser dans la quasi-totalité des secteurs. On voit ainsi de nouveaux domaines comme le smartgrid et la smart city prendre une place prépondérante dans les usages des consommateurs. On travaille déjà sur avec les autres pôles de compétitivité (Capénergies, Pôle Mer Paca, Optitec) et les grands groupes sur ces questions pour croiser les compétences et partager les ressources. On peut également citer la cybersécurité qui est un enjeu incontournable pour les états comme pour les entreprises. L’une des technologies clés sur laquelle nous allons devoir accélérer est l’intelligence artificielle. Nous sommes en train de réaliser une cartographie des entreprises impliquées dans ce domaine en Paca pour savoir où nous en sommes. Au niveau académique, l’Inria a déjà réalisé des avancées notables sur les intelligences artificielles. On cherche maintenant le moyen de décliner leurs travaux au niveau industriel.
Le pôle SCS regroupe également plus de 1 500 chercheurs du secteur public. Travaillent-ils suffisamment avec les entreprises privés pour permettre un transfert des technologies ?
L.L. : L’une de nos missions principales est le développement de projets de recherche et développement innovants et cela n’est possible qu’en faisant travailler le monde académique et le privé. En 2016, le pôle a permis le lancement de 48 projets collaboratifs pour plus de 54 millions d’euros d’investissements publics engagés. 80 % des projets présentés ont été financés, ce qui est notre record. Par exemple, le projet « Secure IoT 2 » regroupe des PME de la région comme Trusted Objects et l’institut national de recherche dédié au numérique mais aussi des laboratoires et des entreprises de la région grenobloises. Il faut aller chercher les compétences partout même au-delà de nos frontières.
Vous voulez dire que le pôle doit développer son influence internationale ?
L.L. : Nous avons découvert que les PME adhérentes réalisent plus de 2/3 de leur chiffre d’affaires à l’export. On doit donc s’adapter et travailler davantage avec les clusters et les grands groupes étrangers. Nous sommes d’ailleurs partenaires sur un accord stratégique depuis longtemps avec Telecom Italia. J’espère nouer d’autres alliances avec des entreprises étrangères pour ouvrir de nouveaux réseaux à nos membres. Il faut également s’inspirer de nos voisins italiens et espagnols qui sont mieux organisés pour récupérer des financements européens. Pour accompagner le développement à l’international de nos membres, on les amène sur les salons qu’elles ne pourraient pas s’offrir seules. Elles se partagent ainsi les frais d’un seul stand en venant soudé avec le pôle. L’an dernier, nous avons accompagnés 40 entreprises sur cinq des plus grands salons mondiaux : le Mobile World Congress à Barcelone, le CES de Las Vegas, le Hanover Messe, le Semicon Europa et Trustech. On organise pour elle des rendez-vous business et du networking pour rentabiliser ces rendez-vous qui permettent de nouer des contacts sources de business.
Outre cette ouverture internationale, comment accompagnez-vous vos membres dans leur croissance ?
L.L : Tout d’abord, nos équipes réalisent une veille technologique permanente que nous communiquons à nos adhérents pour qu’ils restent informer. Souvent, les jeunes entreprises sont tellement concentrées sur leurs projets qu’elles ont du mal à prendre du recul et à avoir une vision globale de leur marché. Ensuite, nous multiplions les événement de networking pour créer un véritable réseau local dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Nous pouvons également les mettre en contact avec des conseils juridiques et financiers mais attention, nous ne sommes pas un business accelerator.
Quel regard portez-vous sur les opérations d’intérêt régional lancées par la Région Paca ?
L.L : C’est très intéressant, surtout que plusieurs d’entre elles nous concernent directement. Par exemple, Flexgrid et l’industrie du futur y ont une bonne place et j’espère que ces projets vont permettre aux pôles de compétitivité de collaborer sur ces questions transversales. Maintenant, il va falloir concrétiser en définissant notamment les financements nécessaires. Certains projets, très amonts, vont avoir besoin d’un soutien clair des pouvoirs publics pour amorcer la machine mais les grands groupes doivent également s’impliquer.
Enfin, la plateforme Com4innov du pôle SCS vient de mettre la clé sous la porte. Que s’est-il passé ?
L.L. : Com4innov a longtemps travaillé sur la mise en place de la 4G mais n’a pas réussi à convaincre les groupes de s’impliquer de la même manière pour la 5G. Les enjeux technologiques ne sont pas les mêmes. Résultat, la plateforme ne reposait plus sur un business model fiable et a dû fermer par manque de financements. On réfléchit actuellement à la création d’autres plateformes sur de nouvelles technologies comme la cybersécurité ou l’intelligence artificielle mais nous devons encore progresser dans ces domaines avant de se lancer.