Trouvez-vous que les réformes du Code du travail engagées par le gouvernement répondent aux besoins des entreprises ?
Johan Bencivenga : Les gouvernements antérieurs ne tenaient pas suffisamment compte de la réalité du tissu économique français, composé essentiellement de petites et moyennes entreprises. Il semblerait que le nouveau président l’ait compris. Les réformes qu’il a lancées sur le Code du travail tendent à favoriser l’expression de ces entreprises. Le monde est en train de changer. Le numérique, les nouvelles puissances, les crises, tout nous pousse à adopter un nouveau système. On ressent enfin les premiers signes d’une révolution d’un Code du travail depuis longtemps inadapté au monde moderne. Il a été conçu en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un pays qui avait besoin de se reconstruire entièrement. Nous n’avions pas alors de problème de chômage ou de croissance. Avec la fin du plein emploi, nous aurions dû bouger plus rapidement pour rendre la loi plus souple et aider les entreprises à s’adapter.
Dans le détail, quelles sont les mesures qui vous séduisent le plus ?
J-B : Le dialogue social devrait enfin être plus facile pour les entreprises de moins 20 salariés et celles de moins de 50 salariés qui n’ont pas de représentants syndicaux avec la possibilité de négocier des accords en direct avec les employeurs. Les patrons ne sont pas là pour casser les équipes, on ne se réveille pas le matin en se demandant comment on va faire pour licencier une personne. Au contraire, on met tout en œuvre pour conserver les bons éléments donc nous sommes les plus à même de trouver les meilleurs solutions avec nos collaborateurs. La procédure de licenciement va également être plus lisible grâce au plafonnement des indemnités prud’homales. Les chefs d’entreprises vont enfin pouvoir anticiper le coût d’un licenciement sur leur budget. La limitation des recours à un an devant le tribunal contribue également à avoir une meilleure visibilité. Enfin, les chefs d’entreprises ne devraient plus être pénalisés sur une petite erreur de formalisme.
La réforme aurait-elle dû aller plus loin ?
J-B : Oui, je regrette que les mesures pour les petites et moyennes entreprises ne concernent que les structures employant jusqu’à 50 salariés. Pour nous, on est une PME jusqu’à 100 voire 150 personnes dans la société. Il faudra en reparler. La plus grosse mauvaise surprise de cet été a été l’augmentation de 25 % des indemnités de licenciement. Nous n’étions pas au courant et ce fut assez désagréable. Enfin, nous serons vigilants sur l’aboutissement de la fusion des instances représentatives du personnel. Le nombre d’élus, d’heures de délégation et les réunions doivent être réduits. Ce ne sont pas les garants d’un dialogue social de qualité.
Le fond semble globalement vous satisfaire mais comment jugez-vous la méthode du nouveau gouvernement pour cette concertation ?
J-B : Je crois que la grande majorité des syndicats a salué les bonnes conditions de travail qui ont entouré la conception de ces réformes. La rédaction des ordonnances a nécessité près d’une quarantaine de réunions et nous avons pu rapidement avancer. Il y a urgence à réformer le Code du travail et le gouvernement semble l’avoir compris. Je salue donc la vitesse d’exécution des équipes sur la rédaction des textes et j’espère que la mise en application suivra. Pour l’instant, Emmanuel Macron a joint les actes à la parole en accélérant le processus, c’est un point très positif. On reproche souvent aux politiques d’avoir un rythme décalé par rapport à celui des entreprises ; peut-être est-ce un indice que les choses commencent à bouger.
Attendez-vous également des changements au niveau de la fiscalité des entreprises ?
J-B : On sait qu’une réforme de la fiscalité des entreprises est en préparation. On souhaite évidemment une baisse des charges qui pèsent sur nos sociétés et les pistes envisagées semblent aller dans ce sens. Aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés en France est à 33 % des bénéfices, un niveau bien supérieur à la moyenne européenne qui est aux alentours de 25 %. Nous ne souhaitons pas une imposition plus avantageuse que les autres, simplement être au même niveau pour rester compétitif. Il faut également nous assurer une stabilité de cette fiscalité qui change sans cesse et nous empêche d’avoir une visibilité à moyen terme. Selon nos informations, Emmanuel Macron l’a bien compris et le gouvernement nous a donné son engagement de principe pour qu’il n’y ait plus de changement au cours du quinquennat.
À Marseille, les dernières élections ont montré une forte adhésion de la population au mouvement La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Pensez-vous que la contestation de la réforme y sera plus importante qu’ailleurs ?
J-B : Honnêtement, je ne sens pas de bouillonnement particulier dans les rues marseillaises. Il est possible qu’il y ait une tentative de manipulation de masse ici… Monsieur Mélenchon a réussi un joli coup médiatique en se faisant élire député à Marseille mais je crois pas qu’il a vocation à travailler pour les habitants de la ville, il roule surtout pour lui. Quand on regarde les opinions sur cette réforme du Code du travail, on note une adhésion de 60 % des Français. Ils ont compris qu’il fallait changer.