Les temps changent. Finie l’époque où l’IEP d’Aix-en-Provence (Institut d’Études Politiques), confortablement logé dans son hôtel particulier du XVIIIème siècle, dans le centre historique de la ville, ignorait ce qui pouvait se passer au-delà du cours Mirabeau.
Le directeur de l’IEP, Christian Duval, veut continuer à ouvrir les fenêtres et lancer Sciences Po Aix dans le grand bain des universités. « Nous sommes à une étape charnière. Soit nous sautons le pas et intégrons l’université pour bénéficier de nouveaux moyens de recherche, d’une plus grande visibilité ; soit nous restons dans nos frontières (simple association) et statut actuel (établissement public administratif) », explique le professeur en droit public. Qui connaît encore mieux le sujet depuis qu’il préside aux destinées de l’association de l’ensemble des IEP français. La mutualisation et les échanges ont permis ces dernières années à ces établissements de bien résister et de maintenir l’étiquette de grandes écoles. Le concours unique attire chaque année près de 10 000 candidats.
« Une dynamique de métropolisation de l’université »
Mais ce n’est plus suffisant. « Il faut regarder l’expérience de Strasbourg d’intégration dans l’université. Elle a été bénéfique. Ils n’ont pas subi les événements et ont pu faire valoir leurs spécificités. Aujourd’hui, il n’est plus question de se désengager. »
Il y a en outre, en Provence, « une véritable dynamique de métropolisation de l’université à travers la création d’Aix-Marseille-Université. Nous devons nous inscrire dans cette construction qui réussit ».
Pour Christian Duval, qui dirige l’IEP d’Aix depuis 2006, la démarche vise également à répondre à la fronde à laquelle il a dû faire face en juillet dernier, lors d’un conseil d’administration houleux. Quelques universitaires dénonçant les accords de partenariats avec le secteur privé et ouvrant ainsi la lutte pour la succession du directeur de l’IEP. Son mandat arrive à échéance en 2016. Depuis, le calme semble revenu. « Ces projets et partenariats avec le secteur privé sont nécessaires », explique Christian Duval qui rappelle que le budget de l’IEP ne dépend qu’à 40% des subsides de l’État.
Un territoire qui se modernise
Les accords avec les acteurs privés ne peuvent pas tout résoudre. « En matière de recherche, nous avons tout intérêt à nous associer avec d’autres laboratoires. Les possibilités d’échanges, d’approches interdisciplinaires seraient multipliées. C’est déjà la logique des Idex (Initiative d’excellence) auxquelles nous participons : nous créeons des mécanismes, des communautés pour contrôler et concentrer les efforts. Les universitaires pourraient également plus facilement évoluer dans leur carrière », observe le directeur.
Mais l’IEP ne perdrait-il pas son âme et son identité, un peu noyé dans un trop vaste ensemble ? « Non, pas du tout. Nous pouvons tout à fait garder un conseil d’administration spécifique, une marque, un lieu et nos particularités. » Un calendrier de rapprochement est-il déjà fixé ? « Non. Nous n’en sommes pas là mais pourquoi ne pas entrer dans une phase d’expérimentation. Ce serait un signe très fort car nous serions les premiers à initier cette démarche. Ce serait une preuve de plus que notre territoire, dans le sillage de la création de l’Amu (Aix-Marseille Université, née en 2012 de la fusion des trois universités d’Aix et Marseille), continue d’innover, de se moderniser. » À n’en pas douter, pour ce natif de Marseille, habitant à Venelles et travaillant à Aix, un tel rapprochement lui permettrait de faire sauter les verrous d’une terre natale trop souvent morcelée et divisée. Qui saisira la balle au bond ?