Le dock of Françoise
C’est sans doute son enracinement arlésien qui a poussé la ministre de la Culture Françoise Nyssen à apporter son soutien au Dock des Suds (photo JY Delattre). Dans les années 90, les grands hebdomadaires n’avaient d’yeux que pour les lieux, Nîmes, Arles, Marseille où émergeait la « movida ». Il faut rappeler que ce mouvement né dans l’Espagne post franquiste puis au Portugal a marqué un retour puissant, anarchique, fécond, à la créativité. Sans dogme mais avec une ligne force, la fraternité. Par décoloration, on a utilisé ce terme pour ces moments festifs où l’on se libère du carcan du quotidien et où la mixité sociale et ethnique est une évidence. La Fiesta des Suds joue ce rôle depuis des décennies et elle appartient au patrimoine culturel marseillais et sudiste. Elle porte en elle des référents symboliques qu’il serait criminel de vouloir gommer. Elle s’est ancrée dans un paysage industriel qui fut longtemps le poumon économique. Mme Nyssen a été avisée de le rappeler avec force. Ceux qui dirigent les territoires seraient imprudents de ne pas entendre ce message. Il est des musiques qui portent de belles paroles et celles du Dock en particulier.
Le peuple attendra
Les syndicats des cheminots ont décidé d’inaugurer une forme de grève inédite. Ils débrayeront deux jours à intervalle régulier. 36 jours de grève donc. Officiellement il s’agit pour nos stratèges de la revendication de faire en sorte que la mobilisation perdure. Officieusement on sait que cette manière d’opérer sera moins coûteuse pour les grévistes qui verront leur salaires moins « grevés » que dans un mouvement illimité. On a vu plus sincère comme engagement syndical. D’aucuns comptent bien sûr réussir à retourner l’opinion qui leur a fait faux bond à l’automne. A Marseille, où les manifestations à thèmes multiples peinent à se faire entendre faute de marcheurs sur le pavé, la gauche bien qu’éparpillée compte sur ce round social pour ébranler Emmanuel Macron et ses marcheurs. Ce sont d’autres marcheurs qui vont surtout être frappés dans les jours qui viennent. Ils prennent le train, le bus, le métro et pressentent le printemps qui s’annonce orageux. Et si les centrales syndicales avaient fait leur la phrase de Talleyrand ! « Agiter le peuple avant de s’en servir, voilà une sage maxime ».
Le son non, l’image oui
C’est une constante, la revendication des uns s’arrête où commence celle des autres. Les riverains de l’A50 entre Aubagne et La Penne-sur-Huveaune sont en passe d’obtenir ce qu’ils réclament depuis longtemps. Un mur anti-bruit pour échapper enfin à la pollution sonore générée par l’autoroute proche, un des axes les plus fréquentés de la région. Du coup ce sont les entreprises qui bordent l’axe autoroutier qui font entendre leurs voix. Un mur mettrait fin, disent-elles en chœur, à leur visibilité. Certes la vitesse limitée à 110 puis à 90 sur cette portion roulante permet de déchiffrer quelques enseignes, mais les plaignants sont-ils en telle difficulté qu’ils anticipent ainsi avec force un futur manque à gagner ? Statistiquement on devrait pouvoir démontrer à ces grincheux que leur visibilité n’est assurée que pour une poignée de passants. Rappelons aussi que la vallée de l’Huveaune fait partie de ces zones sous haute surveillance de la circulaire Seveso qui vise à contraindre les pollueurs industriels. La pollution sonore est par ailleurs un des fléaux de la région de Marseille comme peuvent en témoigner nombre d’ORL marseillais. Non seulement les râleurs de l’A50 ne l’ont pas vue mais ils ne veulent pas l’entendre.
La vidéo-surveillance surveillée
2018 est-elle en fait l’année 1984 que prédisait dès 1949, Georges Orwell dans son roman d’anticipation ? Oui… mais non répond, après force investigation, Laurent Mucchielli directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’université Aix-Marseille. L’universitaire et sociologue a balayé avec sa caméra intellectuelle (son cerveau) quatre villes de grandes et petites tailles pour zoomer sur un phénomène exponentiel : la vidéosurveillance. Sa démonstration est éloquente car elle n’assimile pas, à des velléités dictatoriales la tendance lourde des élus à vouloir surveiller les faits et gestes de leurs citoyens. Ils auraient plutôt un penchant affirmé à vouloir répondre à tout crin au sentiment d’insécurité. Le mérite de Mucchielli est d’appuyer sa démonstration sur des chiffres éloquents. Une infime partie des faits de délinquance sont élucidés à partir des images recueillies par vidéo surveillance. Il remarque par contre – il cite Marseille – que 37 000 procès-verbaux ont été dressés en un année par ce moyen. Pour le chercheur qui cite le cas de Nice, cette logistique n’a pas démontré son efficacité à participer à la lutte contre le crime. Elle immobilise, rivés ainsi devant les écrans, 125 fonctionnaires dans la ville dirigée par Christian Estrosi. Le terrible attentat du 14 juillet 2016 a démontré qu’elle n’était pas – et de loin – infaillible. Mucchielli y voit parfois matière à sourire quand il décrypte les données d’un petit village du Haut Var, Baudinard sur Verdon, où l’on compte 156 habitants mais 13 caméras… little brother n’est pas loin. Parce que la tendance à se sur-armer en la matière est aussi lourde qu’irréversible, l’universitaire s’interroge aussi sur ce marché lucratif qui multiplie les avancées technologiques pour muscler cet espionnage quotidien. Cette enquête sur ce qu’il nomme un bluff est salutaire mais il n’est pas sûr qu’elle fasse écho chez ceux qui prospèrent sur l’insécurité réelle ou supposée de notre société, même s’il est question ici d’argent public. (« Vous êtes filmés », Laurent Mucchielli. 197 pages. Armand Colin 17,90 €)
Vases communicants
On vous le dit c’est pour bientôt. Pour demain. La L2 va être enfin pleinement opérationnelle après plusieurs décennies d’une très longue attente. Parmi les avantages escomptés, ce sont 30% du trafic en moins pour le centre-ville et sans aucun doute des conséquences importantes pour la santé de ses habitants. On peut imaginer que nombre d’automobilistes éviteront, s’ils n’en ont pas l’utilité, de s’engouffrer intra-muros pour gagner qui l’Est, qui l’Ouest ou qui le Nord. On se dit du coup que certains sens de circulation devraient, en toute logique, être réaménagés. Prenons l’exemple de deux artères très fréquentées. Elles permettent aujourd’hui de s’extirper du centre. Elles pourraient devenir des pénétrantes efficaces pour faciliter les parcours des automobilistes. Nous pensons ici à la rue Breteuil et au boulevard de la Libération. Les automobilistes sont soumis à des périples insensés pour gagner le Vieux Port et rejoindre le tunnel éponyme. Les deux axes dont nous parlons avaient été baptisés un temps « axes fluides ». La réalité des bouchons a vite ridiculisé cette communication présomptueuse. Mais demain sera peut-être un autre jour pour les cyclistes, riverains et tous les usagers qui souhaitent possible la reconquête de leur ville.
Un nom et un devoir
Ils ont beaucoup de chances les élèves du lycée de la Fourragère (12e arrondissement). Leur établissement classé 133e sur 2013 au plan national et 4e sur 66 au plan départemental (classement de l’Express de 2017) va être rebaptisé, selon Bruno Genzana conseiller régional qui s’en réjouit sur les réseaux sociaux. Il portera un nom qui se mérite autant qu’il honore ceux qui pourront désormais l’inscrire dans leur CV : Nelson Mandela. Rappelons deux des plus belles phrases de celui par qui l’Apartheid a été aboli en Afrique du Sud. « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. » Pour avoir survécu dans les quartiers pauvres de Soweto, celui qui deviendra le premier président noir de la nation arc-en-ciel, savait le rôle éminent que l’apprentissage du savoir avait pour chaque individu. Et à propos de liberté il osait cette belle affirmation : « Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. » Voilà quelques beaux éléments de réflexion pour les lycéens marseillais.