A l’issue des Etats généraux de l’habitat, jeudi 21 décembre, au Mucem, la métropole Aix-Marseille Provence a signé quatre protocoles d’accord visant à définir les futurs projets de renouvellement urbain, lutter contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées. Un vaste plan soutenu par l’Etat, représenté à cette occasion par le ministre de la Cohésion sociale, Jacques Mézard.
Pas une, ni deux… mais 92 communes du territoire. C’est à l’échelle métropolitaine que le nouveau programme de rénovation urbain, pour les dix à quinze ans à venir, a été engagé, et officiellement scellé, jeudi 21 décembre, entre la Ville de Marseille, la Métropole Aix-Marseille Provence, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et l’Etat. C’est dans le cadre du NPNRU, un nom un peu barbare pour « nouveau programme national de renouvellement urbain », que 21 quartiers prioritaires vont vivre quelques métamorphoses indispensables. Parmi eux, onze ont été reconnus par l’Etat « d’intérêt national » (neuf à Marseille, un à Port-de-Bouc et un à Miramas) et dix autres « d’intérêt régional » (cinq à Marseille et un dans chacune des communes suivantes : Martigues, Port-de-Bouc, Salon-de-Provence, Vitrolles et Aix-en-Provence).
Pour mener à bien ces opérations, la première phase nécessite le lancement d’études qui, dans quelques mois, permettront de signer des conventions pluriannuelles avec l’Anru pour la réalisation des premières opérations. « Cela va nous permettre d’élaborer site par site le projet que nous voulons porter, en nous appuyant sur des analyses fines, de façon à ne pas se tromper sur les orientations, et en travaillant aussi avec les habitants », explique Arlette Frutus, vice-présidente de la métropole Aix-Marseille Provence, présidente du groupement d’intérêt public (Gip) Marseille rénovation urbaine et politique de la ville. A ce titre, l’Anru financera principalement des opérations de reconstruction d’offre locative, des démolitions et des équipements prioritaires. Le montant est évalué à 40,7 millions d’euros (HT).
Les marchands de sommeil n’ont plus droit de cité
Autre axe de travail, autre protocole : la poursuite du plan de lutte contre l’habitat indigne, débutée en 2002, à Marseille. Près de 35 000 logements dégradés, pour environ 76 000 occupants ont été recensés dans plusieurs secteurs de la cité phocéenne : l’hyper-centre (Noailles et Belsunce et dans une moindre mesure Chapitre, La Plaine et le secteur Réformés/Libération), le centre-ville (Belle de Mai, Saint-Mauront et Euroméditerranée I) ainsi que dans le nord de la ville (Crottes et Cabucelle). Pour Arlette Fructus, il existe deux problématiques : « D’un côté, il y a des petits propriétaires qui n’arrivent pas à engager des travaux car ils n’ont pas les moyens de le faire et d’autre part, ceux qui abusent des situations, et pour ceux-là nous allons amplifier le dispositif de coercition, les marchands de sommeil n’ont pas droit de cité chez nous ». Les partenaires pour accompagner les propriétaires à engager des travaux demeurent l’Agence nationale de l’habitat (Anah – à hauteur de 3,45 millions d’euros) et les collectivités territoriales : 2,9 millions d’euros de la Métropole, 1,5 million d’euros de la Ville de Marseille et 710 000 de l’Euroméditerranée.
Action 3, pour le troisième accord. Il concerne une stratégie d’intervention sur les copropriétés dégradées. « Parce qu’on a un gros souci dans ce domaine, c’est un dossier lourd pour la Ville et la Métropole c’est pourquoi nous voulons vraiment faire un plan d’envergure avec des actions très ciblées et des moyens publics mobilisés », reprend Arlette Fructus. Selon une étude statistique, réalisée en 2014, dans le contexte de la loi Alur (accès au logement et un urbanisme rénové), 600 copropriétés potentiellement fragiles ont été identifiées à Marseille.
Le quatrième accord est en réalité un avenant à la charte de mutualisation des contingents réservataires. En clair, il s’agit de faciliter le relogement des ménages concernées par les opérations de renouvellement urbain. Chaque année, la charte prévoit que les réservataires mettent à disposition de la plateforme de relogement 390 logements : 200 pour l’Etat, 60 pour Marseille, 50 pour le Département des Bouches-du-Rhône, 30 pour la Métropole AMP, 50 pour les collecteurs d’Action logement. A ce jour, le dispositif a permis de reloger 547 ménages.
Si la Métropole, l’Etat et l’Anru sont les premiers a avoir signé cet engagement, ce sont 23 partenaires qui participent à cette nouvelle opération de renouvellement urbain: la région Sud, le Département des Bouches-du-Rhône, la Ville de Marseille, l’agence nationale de l’habitat, la Caf, la caisse des dépôts et consignations, l’ARS, Action logement, Marseille Rénovation urbaine, l’Adil Bouches-du-Rhône, l’établissement public foncier, l’Agam (agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, Euroméditerranée, Habitat Marseille Provence, 13 habitat, Marseille Habitat, AR-HLM Paca Corse, Unicil, Logirem, Erilia.
Les questions à Jacques Mézard, ministre de la cohésion sociale.
Gomet’. La lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil est bien l’une des priorités sur la plan national ?
Jacques Mézard. C’est la politique que nous allons appliquer sur l’ensemble du territoire national. Il est nécessaire que l’Etat, avec les collectivités, en tenant compte du travail effectué sur place et dans beaucoup de quartiers en France, nous mettions beaucoup de moyens pour restructurer, rénover des quartiers fragiles. Lorsqu’il y a des marchands de sommeil qui utilisent la fragilité et la faiblesse de nombreux concitoyens, il est nécessaire que l’Etat agisse et prenne les mesures nécessaires.L’Etat est dans une démarche d’accompagnement ?
J.-M. Ce qui est important, ici, c’est de voir que dans la métropole marseillaise il y a des projets importants pour créer du logement, restructurer des quartiers, pour lutter contre la situation de copropriétés dégradées et pour lutter contre l’habitat indigne; qu’il y a des projets structurants que nous allons réaliser ensemble, parce que l’Etat est là pour aider, pour faciliter l’action des collectivités locales et c’est ce que je suis venu faire à Marseille, parce qu’il est normal que l’Etat accompagne les programmes qui ont été mis au point par la Métropole.Cinq à dix milliards pour la rénovation urbaine sont engagés jusqu’à 2031, mais la période n’est-elle pas trop longue ?
J.-M. L’expérience à montrer qu’on ne restructure pas des quartiers en six mois ou un an. Certes, il est nécessaire d’accélérer les processus et notamment administratifs, mais les décisions que nous venons de prendre depuis que nous sommes au gouvernement comme doubler le financement de la rénovation urbaine pour les quartiers (de passer de 5 à 10 milliards) c’est une mesure forte, qui va avoir des effets extrêmement positifs pour ceux qui y habitent parce que cette politique-là est faite pour eux.La commission de la SRU (solidarité et renouvellement urbain) souhaite durcir les sanctions à l’encontre des communes qui n’ont pas comblé leur retard en matière de logements sociaux. La loi n’est-elle pas trop contraignante ?
J.-M. La loi existe. J’ai fait en sorte de tenir compte de certaines réalités pour adapter l’avis de la commission nationale mais il est nécessaire que la loi soit appliquée. Nous devons, dans ce pays, construire plus de logements et davantage de logements sociaux de manière équilibrée, c’est l’objectif du gouvernement. Nous avons en ce moment un processus de consensus lancé en accord avec le Sénat pour travailler sur l’avant-projet de loi de logement. Dans ce cadre-là, ce dossier, comme d’autres, sont soumis à discussions.Des villes seront donc bien sanctionnées ?
J.-M. Il y a des villes qui seront sanctionnées, c’est ce qu’on appelle le « carencement » parce que lorsque des objectifs contractuels n’ont pas été atteints, il est normal de prendre des mesures. Par ailleurs, lorsqu’il y a des sanctions financières, bien sûr, elles peuvent être diminuées en fonction de logements sociaux qui seront construits. J’entends un certain nombre de difficultés et nous en avons d’ailleurs tenu compte pour le « carencement » mais il y a des objectifs qui paraissent utiles de continuer à mettre en place.