Dans quelques jours, l’État dévoilera le nom des grands gagnants de son appel à projet sur l’éolien offshore flottant. « Ségolène Royal choisira peut-être les assises de la Mer qui se tiennent le 8 novembre prochain à la Rochelle », glisse Frédéric Lanöe, directeur France d’EDP renewables. Ce groupe international basé à Madrid spécialisé dans les énergies renouvelables s’est porté candidat aux côtés de Eiffage Métal, de Engie et de la Caisse des dépôts. Une réponse positive donnerait le coup d’envoi de la production d’une douzaine de flotteurs sur le site Eiffage de Fos-sur-Mer. L’usine embauchera une centaine de personnes pour soutenir cet effort industriel qui doit aboutir à une livraison en 2020.
Un virage salvateur vers l’éolien
Depuis sa naissance en 1972, l’usine de Fos est spécialisée dans la construction de plateformes de forage offshore. Profitant pendant quarante ans de l’essor de l’industrie pétrolière, le site a fait travailler jusqu’à un millier de personnes. Mais la croissance du secteur s’est essoufflée et les effectifs sont désormais réduit à une centaine de collaborateurs. Pour redynamiser le site, Eiffage s’est alors tourné vers le marché des éoliennes. La situation du site en bord de mer le prédestine à travailler sur les réalisations offshore en Méditerranée et en Atlantique. L’entreprise a déjà signé plusieurs contrats pour approvisionner les champs d’Aberdeen Bay (100 MW), de Galloper (336 MW) en Angleterre et de Merkur (336 MW) au large de l’Allemagne. En répondant à l’appel à projet sur les fermes éoliennes flottantes, le groupe espère profiter de la manne promise par l’Ademe pour investir massivement sur son site de Fos-sur-Mer.
Un assemblage à Fos pour une ferme à Leucate
Le projet porté par le consortium Eiffage, Engie, EDP Renewables et Caisse des Dépôts, prévoit la construction d’ici à 2020 d’une ferme pilote éolienne flottante au large de Leucate en Méditerranée. Les éoliennes Haliade GE 150 seront associées à une solution intégrée de flotteur semi-submersible proposée par Eiffage Métal. Le concept choisi par l’industriel français et développé par Principle Power dans son centre d’ingénierie d’Aix-en-Provence, a été testé pendant 5 ans au large du Portugal. Le parc comprendra trois à six éoliennes de 6 MW chacune. Les colonnes seront préfabriqués dans un atelier externe avant d’être acheminées par barge à Fos-sur-Mer. L’usine locale fabriquera les plaques d’entraînement d’eau et assurera l’assemblage des flotteurs avec le soudage des éléments de contreventements et des bracons. Pour la mise à l’eau, le site compte remettre en état son slipway, un investissement conséquent de plusieurs millions d’euros. « On n’attendra pas pour lancer cette rénovation car les autorisations sont longues à obtenir », prévient Jean-Louis Chaumard, directeur opérationnel d’Eiffage Métal à Fos. Pour le reste des investissements prévus, le calendrier et les montants restent vagues.
Une promesse d’extension pour le site de Fos
Actuellement, l’usine occupe 130 000 m² et le groupe lorgne un terrain adjacent de plusieurs dizaine d’hectares pour augmenter sa capacité de production. Mais le Grand Port Maritime de Marseille a d’autres projets pour ce site : la construction d’un canal. « On a pas compris l’intérêt d’un tel ouvrage. Il va falloir se mettre autour d’une table pour leur faire comprendre que nous avons besoin de ce terrain si nous remportons l’appel à projet. D’autant que ce surcroît d’activités ferait profiter l’ensemble des industriels du port », assure Jean-Louis Chaumard.
Avec un objectif final de cadence d’un flotteur produit par semaine, l’industriel imagine la réalisation de nouveaux locaux rassemblant un atelier de fabrication, une salle de stockage, une zone d’assemblage et de livraison et un espace dédié au montage des turbines qui se fera dans un premier temps à Port-la-Nouvelle. « Mais attention, l’innovation se trouve essentiellement dans notre capacité à optimiser les coûts de réalisation, il faudra donc utiliser au maximum l’existant. Nous devrons imaginer de nouvelles techniques d’automatisation et de robotisation des process », prévient Arnaud de Villepin, directeur de la division Industrie de Eiffage Métal. Si le prototype de ferme doit être livrée en 2020, le groupe voit plus loin. Il table sur 2025 pour être opérationnel commercialement et attaquer le marché mondial. En cas de validation de la viabilité économique du prototype, la phase commerciale nécessitera des embauches bien plus importantes pour porter les équipes à près de 500 personnes.
Deux lauréats déjà sélectionnés pour l’appel à projet, la nouvelle vague attendue pour les prochains jours
En juillet dernier, le gouvernement a désigné les deux premiers lauréats de son appel à projet « fermes pilotes éoliennes flottantes ». Il s’agit des projets portés par le groupe Quadran, à Gruissan (Aude), et par le consortium Eolfi-CGN Europe Energy, au large de Groix, en Bretagne. Deux autres groupements doivent être sélectionnés par l’Ademe dans les jours qui viennent. Les sites concernés sont situés au large de Leucate et auprès du phare de Faraman dans les Salins de Giraud. Eiffage Métal s’est donc associé à Engie, EDPR et la Caisse des Dépôts pour la ferme de Leucate. Au Faraman, deux candidats sont en compétition : EDF énergies nouvelles et Eolfi. A l’origine, l’enveloppe allouée à l’ensemble des projets dans le cadre du programme est de 150 millions d’euros mais les industriels évaluent à près de 200 millions l’investissement nécessaire pour chaque site. Ils espèrent donc une augmentation de la subvention : « Manuel Valls a évoqué une rallonge lors de sa visite à l’île de Groix. On espère qu’il honorera cet engagement », rappelle Antoine de Prémont, responsable Energies Marines Renouvelables d’Eiffage Métal. Les industriels bénéficieront également d’un tarif de rachat compris entre 200 et 250 euros le Mwh, un niveau équivalent aux premières fermes en mer installées en France.