Bon, l’opus dure plus de cinq heures, et ce n’est pas vraiment une partie de rigolade… Sauf peut-être quand des filles coiffées du fichu, au retour du marché, essaient de fixer des couches culottes sur le visage.. protection dérisoire en cas d’une éventuelle, et probable, attaque américaine au gaz !
Le cinéaste irakien Fahdel filme sa famille en 2002 et 2003, avant et après la chute de Saddam Hussein. Ce n’est pas un film de guerre. Plutôt la vie quotidienne de gens ordinaires. Comment ses frères, sœurs, tantes et neveux vivent et parlent.. A quoi ils jouent, ce qu’ils mangent, ce que la télé leur montre, ou ce qu’ils lisent pour réussir leurs études. Et ces énormes marmites de nourriture fumante qui mijotent dans la cour, afin d’en distribuer aux pauvres et à tout le voisinage.
A Babylone
La plupart du temps, la caméra tourne à Bagdad, mais sont aussi retenues quelques scènes sur la rive de l’Euphrate, dans la province de Babylone, d’où est issu l’auteur.
Quand Bush (le fils) attaquera le pays, il est prévu de conduire les enfants dans cette région. Mais la guerre sévira ici aussi, au printemps 2003. Et le pays en sera bouleversé, déchiré, et durablement révolté. Le spectateur sent germer le funeste califat. Un témoin soupire : « la plus ancienne civilisation devenue la dernière des colonies ! »
Dix ans de montage
Sur 120 heures d’images enregistrées, avant et après la bataille, Abbas Fahdel n’en retient qu’un vingtième, moins de six heures. Il aura mis dix ans à faire le tri. Mais jamais le public occidental n’aura vu de si près, à hauteur d’homme – et parfois du regard d’un gamin perspicace et curieux – la douloureuse réalité de ce vécu.
Selon le réalisateur, « ce film, c’est ma vie. » A 18 ans, ce fils de paysan quitte son pays pour venir en France apprendre le cinéma. A Paris, ses professeurs s’appellent Rohmer, Jean Rouch ou Serge Daney. Il découvre aussi Antonioni et Bunuel, ou Godard. Fahdel se dit fier d’avoir « réussi à donner un visage aux irakiens » . Il ajoute :« c’est la chose la plus importante que j’ai pu faire et ferai jamais. »
Après sa projection fin janvier à Marseille (au Mucem) et au festival de Manosque début février, trois nouvelles occasions de plonger dans cette immersion mésopotamienne, cité du livre à Aix : dimanche 14 et samedi 20 février (14h, puis 17h)
Liens utiles :
L’Institut de l’image d’Aix-en-Provence
La présentation de Homeland sur le site de Nour Films