Rendez-vous dans l’hémicycle de conseil départemental, vendredi 18 novembre, pour l’ultime journée handi-citoyenne. C’est Paul-Éric Laurès, entouré de jeunes et adultes comme lui en fauteuil roulant, qui prend le micro et explique aux collégiens le pourquoi de leur venue : « Vous êtes venus vivre des situations de handicap pour comprendre ce que c’est et ainsi apprendre à vous adapter à l’autre afin de pouvoir communiquer avec lui. (…) Méfiez-vous des a priori ! Pour nous qui sommes en fauteuil roulant, notre handicap est visible mais nous ne sommes que 5% de la population handicapée. Le handicap peut être moteur, sensoriel ou mental et selon, ne se voit pas ».
Paul-Éric Laurès est membre de l’association Différent…comme tout le monde. Basée à Montpellier et parrainée par le préfet Jean-Christophe Parisot de Bayard, également initiateur du projet et présent à la tribune, celle-ci organise depuis trois ans les journées handi-citoyennes sur toute la rive méditerranéenne, de Cannes à Perpignan. Le Département des Bouches-du-Rhône y est associé pour la deuxième année et avec lui, les collèges et collégiens des Bouches-du-Rhône car, comme le souligne Sandra Dalbin, conseillère départementale, déléguée aux personnes handicapées : « À vous les jeunes d’expliquer aux aînés qu’il ne faut pas avoir de préjugés. Parler avec ces personnes, ne les mettez pas de côté, elles peuvent vous apporter beaucoup de choses. » Et Valérie Guarino, conseillère départementale, déléguée à l’Éducation de renchérir : « Il est bon de rappeler toutes les valeurs que nous partageons, de montrer le handicap de façon positive et d’expliquer les différences (…) Ce sont des rencontres comme celles-ci qui nous poussent à être meilleur. » Enfin, Thierry Dalmasso, inspecteur académique et directeur-adjoint des services de l’Éducation nationale, représentant le recteur de l’Académie d’Aix-Marseille, rappelle l’engagement du rectorat pour le confort de tous dans la scolarité et précise que « l’illettrisme est également un handicap invisible et la différence nécessite un apprentissage, un accompagnement. 1 000 assistantes de vie scolaire pour ces élèves ont été recrutées à la rentrée 2016. »
Des parcours ludiques et pédagogiques pour comprendre
Venus d’Aix-en-Provence, d’Arles, d’Aubagne et de Marseille, les collégiens exploreent par petits groupes, différents ateliers pour comprendre ce que vit une personne en situation de handicap. Ainsi, ils s’initient à la manipulation d’un fauteuil roulant et apprennent quelques astuces pour passer une marche ou un sol de graviers, dévoilées par l’animateur Alain Moire venu spécialement du Mans. Munis de gants et de lunettes obstruées, à l’atelier des DYS, il est question de découpage, de manipulation ou de recopiage d’un texte avec de mauvaises césures. « Ce trouble neurologique n’est pas une maladie mais affecte la planification et l’automatisation des gestes et cela provoque un handicap, commente Luce Nocera, responsable régionale de l’association Dyspraxie France Dys. Ils ne savent plus, par exemple, où il faut commencer sur une feuille, ils ne peuvent pas reproduire une figure géométrique.» Et une collégienne qui vient de finir son atelier de s’exclamer : « C’était dur ! ». « Il est dommage que les enseignants ne soient pas plus formés pour repérer les troubles DYS, poursuit Luce Nocera, car pour la dyspraxie (trouble du geste) et la dysphasie (trouble du langage oral), on peut s’en apercevoir dès la maternelle. »
Un peu plus loin, ça crie et ça tape : c’est l’atelier d’handi-boxe où les collégiens volontaires peuvent s’entraîner un instant avec l’un, ou l’une, des jeunes sportifs présents. Et pas n’importe lesquels puisqu’ils ont la surprise de côtoyer Imad Benkhira, 21 ans, atteint d’incapacité moteur cérébrale et … champion de France de handi-boxe ! Également Hugues Perni, 23 ans, qui vient d’obtenir sa licence de boxe anglaise au même titre que n’importe quel boxeur valide et a monté son association à Pierrefeu-du-Var. Des victoires partagées avec leur entraîneur, Alain Sportouch, initiateur de l’handi-boxe à Marseille. Après avoir entraîné des champions et notamment son fils, Jérémy, Alain Sportouch a choisi de mener un autre combat : celui de former des boxeurs non valides et de fédérer des boxeurs valides avec eux, parce que Salim Benfodda, un ami d’enfance de Jérémy, rêvait de boxer alors qu’il était en fauteuil. Il a créé alors le JSKB – Jérémy Sportouch Kick Boxing -, adapté la technique et a voulu « imposer l’handi-boxe à la Fédération française de kick boxing muay thaï et disciplines associées (FFKBMTDA). Je ne voulais pas aller vers la Fédération d’Handisport car c’était, pour moi, les ghettoïser », raconte-t-il. Depuis le mois de janvier 2016, c’est officiel : l’handi-boxe est reconnue comme une discipline associée de de la FFKBMTDA. Elle est différente… comme les autres !
« Vous êtes notre exemple ! »
Salim Benfodda, l’ami de Jérémy Sportouch, est là, toujours présent. Il motive les jeunes pour trouver la force en eux de vivre leur rêve. Pour Alain Sportouch : « Je suis l’entraîneur, lui, c’est le coach moral comme il n’y en a pas deux ». Et Salim Benfodda d’exprimer toute sa joie de rencontrer le préfet Jean-Christophe Parisot de Bayard qui rappelle que « c’est en 5e que ma maladie a commencé. Plus de récréations, plus de repas à la cantine. Heureusement que j’avais des copains qui prenaient des plateaux et venaient déjeuner avec moi. Et j’ai compris que ma vie serait différente. Et finalement, elle est identique : j’ai réussi à devenir préfet et j’ai quatre enfants… Il faut porter un regard nouveau sur les handicaps et ne pas dire « oh, le pauvre » mais sourire car il y a certainement un talent». « Vous êtes un exemple pour nous, lui déclare Salim Benfodda. Vous avez réussi à devenir préfet malgré tout, peut être que cela m’arrivera aussi. » Avec force et honneur (*) !
Ils ont participé à ces journées handi-citoyennes 2016 :
> Collège de la Nativité (Aix-en-Provence), collège Nathalie Sarraute (Arles), collège Robert Morel (Aubagne), Collège La Chesneraie (Puyricard) et les collèges de Marseille Sainte-Marie Blancarde, Sylvain Menu, Saint-Charles Camas, Auguste Renoir, Anatole France, Fraissenet, Marie Laurencin.
> Association Différent…comme tout le monde : http://www.differentcommetoutlemonde.org
> Association Dyspraxie France DYS 13 – 21 chemin de 2oures, 13001 Marseille – Tel : 06 12 66 95 38 http://www.dyspraxies.fr
> Club JSKB – 164 Boulevard de Plombières, 13014 Marseille – Tel : 06 16 46 76 26(*) Avec force et honneur est le titre d’une chanson rap écrite par Salim Benfodda, sur son parcours d’invalide.
Reportage réalisé en partenariat avec le Département des Bouches-du-Rhône