Olivier-Pierre de Mazières, nouveau préfet de police, succède à Laurent Nunez. Cet ancien spécialiste de la lutte contre le radicalisme religieux a pris ses fonctions, à l’Évêché, ce lundi 3 juillet. Retour sur cette matinée inaugurale.
Olivier-Pierre de Mazières, une personnalité à retenir dans le kaléidoscope des hautes personnalités régionales. Jusque-là, inconnu de la sphère médiatique régionale, le nouveau préfet avait en charge, depuis juillet 2015, la direction de l’Etat-Major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT). Cette unité créée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, suite au drame perpétré à Saint-Quentin-Fallavier, a pour mission de réaliser un meilleur suivi des personnes signalées pour radicalisation. Celui qui a alterné des hauts postes dans différents ministères, notamment en 2004, en tant que chef de cabinet du ministère des Affaires étrangères de Michel Barnier, a reconnu être honoré par cette nomination dans l’un des territoires « les plus attractifs de notre pays. Pas seulement pour son climat, ou sa beauté, mais plutôt pour sa diversité, son ouverture sur le monde, et sa qualité de vie, que je veux d’abord défendre. Sans la sécurité, les autres libertés ne sont que des concepts, des mots creux. » Le titulaire d’un DEA en philosophie du droit, a dans cette première allocution fait preuve d’une grande détermination, mais aussi de gravité pour mener à bien les combats présents et futurs contre la délinquance, la grande criminalité, les trafics et règlements de comptes. Face à ce défi d’ampleur, il articulera son travail autour de trois axes majeurs que sont « un commandement unique, une stratégie claire et une concentration des moyens ».
Une lutte active contre le trafique de stupéfiants
Après la définition de sa méthode basée sur le décloisonnement entre services et «la mise en tension de tous les acteurs», le nouveau super flic a rendu un hommage appuyé à ses prédécesseurs en reconnaissant l’action pragmatique et efficace menée par Laurent Nunez. Il a aussi annoncé que les moyens seront pérennisés et que la mobilisation exceptionnelle dans ce territoire a su porter ses fruits : « La délinquance est en baisse continue depuis 2012, de 15% les atteintes aux biens, et 60% pour les vols avec violence, et de 20% pour les atteintes aux personnes. » Mais ces bons résultats ne doivent pas suffire, et le nouveau préfet de police souhaite mener une lutte active contre le trafic de stupéfiants, « car l’argent de la drogue est le principal carburant de la délinquance et du banditisme. Et c’est aussi ce trafic qui remplace la tranquillité publique par le silence et la peur. » Pour cela, il est déterminé à employer une méthode forte : «les dealers et autres trafiquants seront harcelés». Une méthode dite d’approche globale, mais aussi en utilisant le pilotage opérationnel renforcé, qui permet d’agir en profondeur « depuis deux ans, 79 réseaux ont été démantelés et 319 personnes écrouées. Sur les six premiers mois de l’année, la tendance s’est accélérée avec 31 réseaux démantelés et 110 individus arrêtés » sur le territoire marseillais.
Le dernier volet de son discours a été d’appuyer sa volonté, et celle du ministre, de combattre le terrorisme et le radicalisme. Celui qui plaçait, le 25 juillet 2017 dans les colonnes du Parisien, Provence-Alpes-Côte d’Azur comme la troisième région la plus touchée par le radicalisme islamique, n’a pas hésité à rappeler que « la menace terrorisme est à son maximum ». Pour cela, la prévention de la radicalisation en milieu carcéral, sera accentuée, ainsi qu’un repérage plus efficace, un contrôle de proximité, et pour finir une traçabilité sur l’ensemble du territoire.
Face à ces grands défis, le nouveau chef des polices, Olivier-Pierre de Mazières, garde la tête froid et annonce avec fermeté la volonté de combattre la délinquances, et les autres trafics. Les Bouches-du-Rhône doivent devenir un département comme un autre, et non un territoire stigmatisé par l’ensemble des territoires de la France.
Gomet’ : M. De Mazières, quel est votre priorité en arrivant à Marseille ?
Olivier de Mazières. Ma priorité est la sécurité, celle des habitants des Bouches-du-Rhône et des Marseillais, c’est évidemment la délinquance générale, évidemment la criminalité routière au regard des événements tragiques de ce week-end, bien entendu le trafic de stupéfiants. Puis il y a le sujet du banditisme, et celui de la radicalisation, qu’elle soit violente ou terroriste. À Marseille, mais pas plus qu’ailleurs dans l’ensemble du pays.
En nommant un spécialiste du terrorisme comme vous, cela peut signifier que Marseille est une zone délicate dans ce domaine…
O.M. Je vous remercie de me qualifier en tant que spécialiste du terrorisme, mais cela est simplement le fait de mon précédent poste. J’ai une carrière de près de vingt ans derrière moi, axé sur des questions de sécurité au sens le plus large. Il n’y a pas de menace spécifique à Marseille, en revanche, comme tous les secteurs la ville est concernée par la radicalisation violente et par le risque terroriste à un moment ou un autre. Il faut donc être vigilant sur ce sujet, ici comme ailleurs.
Vous avez parlé de concentration des effectifs, qu’entendez-vous par là ?
O.M. Je parle du dispositif qui a fait ses preuves depuis 2012, notamment sur un certain nombre de quartiers difficiles, à la fois en répression, mais aussi en prévention. Ces deux aspects sont totalement liés, on ne peut pas faire de prévention, sans aussi intervenir au niveau du travail social, c’est vrai dans les quartiers, c’est vrai dans d’autres secteurs, et en matière de radicalisation. Pour moi se sont deux jambes sur lesquelles, il faut marcher.
Concernant le terrorisme, avez-vous des leviers de travail pour éradiquer ce phénomène ?
J’ai quelques leviers, mais je ne rentrerai pas en détail, en revanche, j’ai une méthode, basée sur le décloisonnement, le partage de l’information, et sur une animation claire et transparente pour tous les services, voici mon travail. Je donne une feuille de route et je veille à ce que les services soient mobilisés pour remplir les objectifs. Il est aussi de mon devoir d’aller voir l’ensemble des partenaires, de l’administration publique au secteur privé en passant par le milieu associatif, pour les englober dans notre démarche. Le radicalisme n’est pas seulement l’affaire de spécialistes ou de services centrés sur cette question, et coupés de la population. Depuis deux ans, on a mis en place un dispositif à l’échelle nationale qui associe l’ensemble de la population, et c’est avec eux que l’on doit travailler.