> Dernière minute : Dans la soirée de mercredi 23 septembre, la direction d’Air France a finalement proposé le retrait immédiat du projet Transavia Europe, au cœur du conflit avec les pilotes. Un geste salué par le gouvernement qui devrait permettre « une reprise immédiate du travail », espère la direction.
Dixième de jour de grève à Air France et les pilotes ne désarment pas. Le syndicat des pilotes de ligne (SNPL) a refusé, lundi 22 septembre 2014, la proposition de la direction de suspendre le projet Transavia Europe – la filière low cost du groupe – jusqu’en décembre. Deux jours plus tard, le secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, annonçait sur RMC que la compagnie avait finalement décidé non pas de suspendre le projet mais de l’abandonner. Une annonce démentie dans la foulée par le groupe, qui juge l’annonce « prématurée ». « Aucun changement dans les négociations ne permet d’affirmer que ce projet est retiré. La proposition reste de suspendre ce projet et d’ouvrir une large concertation, un large dialogue avec les partenaires sociaux d’ici à la fin de l’année, comme avancé par la direction lundi », a déclaré le porte-parole d’Air France à l’AFP. La situation semble donc bloquée.
Ce projet, qui vise à capter un marché du low cost en pleine expansion, est au coeur de la contestation mais suscite les inquiétudes des pilotes quant à leurs conditions de travail. En attendant, 46% des vols seront assurés mercredi 24 septembre. Après dix jours de conflit, retour en détail sur l’origine du problème.
1) Pourquoi les pilotes font-ils grève ?
Depuis déjà plusieurs années, les pilotes d’Air France ont subi les restructurations de leur entreprise, en déficit depuis dix ans. Les compagnies low cost comme Easy Jet ou Ryanair ont fait très mal à Air France. C’est la raison pour laquelle la direction du groupe souhaite développer sa propre filiale low cost, Transavia, pour capter un marché en pleine expansion. Pour accompagner ce développement, le groupe a la volonté de créer 250 postes de commandants de bord et de copilotes, rémunérés aux conditions de Transavia. Les pilotes, eux, combattent ce projet et souhaitent un contrat unique pour tout le monde, aux conditions d’Air France. Enfin, comme dans toute grande entreprise, la communication est difficile. La holding Air France / KLM, dirigée par Alexandre De Juniac, ne négocie pas en direct avec les syndicats, contrairement à Air France, gérée par Frédéric Gagey. Compliqué dès lors d’avoir l’adhésion des pilotes, qui se sont sentis lésés.
2) Que prévoit le projet de la direction ?
Concrètement, Air France veut faire comme son concurrent Easy Jet : multiplier les étapes, faire voler les avions plus longtemps et supprimer les frais d’hôtellerie pour les équipages. Pendant des années, le low cost a été balayé par les prédécesseurs d’Alexandre De Juniac et Frédéric Gagey, qui voyaient en ces compagnies un épi-phénomène. Seulement voilà, celui-ci s’est largement développé, mettant les compagnies traditionnelles dans une situation économique compliquée.
3) Pourquoi dit-on que la grève coûte 10 à 15 millions d’euros par jour ?
Depuis dix jours, le trafic est quasiment interrompu à l’aéroport de Marseille-Provence, troisième plateforme aéroportuaire de France avec 8,26 millions de passagers en 2013. C’est environ 90% des vols qui sont annulés chaque jour, provoquant un manque à gagner pour l’entreprise mais aussi pour les commerces de l’aéroport. Comme toujours, la bataille des chiffres fait rage et peut parfois faire écran de fumée sur les raisons de la grève. Le PDG d’Air France KLM s’est chargé lui-même de les diffuser : le groupe aurait perdu entre 70 et 105 millions d’euros depuis le début de la grève le 15 septembre, soit entre 10 et 15 millions d’euros par jour. En réalité, ces chiffres sont difficilement vérifiables. Ils augmentent d’ailleurs de jour en jour : avec les compensations de passagers, le coût serait estimé à 20 millions d’euros, toujours selon la direction.
4) Combien gagnent les pilotes d’Air France ?
Là encore, c’est une véritable guerre des chiffres que se livrent les acteurs du conflit. La direction a en effet motivé sa décision de développer le projet Transavia par l’écart de salaires entre les pilotes d’Air France et ceux de sa filiale low cost. Qu’en est-il vraiment ? Selon les informations du Parisien, les salaires de base des deux pilotes sont similaires : autour de 75 000 euros bruts annuels (6 250 euros par mois). Mais ce qui change, ce sont les conditions de travail : un pilote Transavia effectuera en moyenne 700 heures de vol par an, contre entre 630 et 678 heures pour ceux d’Air France. Suffisant pour que le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger dénonce un mouvement « indécent » et « corporatiste ». Finalement, au-delà des conditions de travail qui risquent de changer, c’est surtout un risque de délocalisation que les pilotes mettent en avant : ils expliquent que le « dumping social » doit cesser.
5) En réalité, ça concerne combien de personnes ?
Les différentes enquêtes réalisées sur l’utilisation de l’avion révèlent qu’environ un Français sur quatre prend l’avion. La Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) fait par exemple une enquête sur la perception du transport aérien. Selon l’une de ces enquêtes, seulement 34% des Français ont pris l’avion au moins une fois dans l’année 2007. Sept ans plus tôt, une note de la Direction des Transports aériens (qui dépend du ministère) estimait que ce chiffre atteignait en 2000 près de 25,7% des Français. En majorité, les usagers du transport aérien exercent des professions libérales ou bien sont artisans et commerçants. Selon la même enquête, moins de 30% des usagers prenaient l’avion plus de trois fois par an. Enfin, l’enquête de la DGAC datant de 2009 démontrait à quel point l’essor des compagnies low cost avait bouleversé le marché : celles-ci transportaient deux millions de passagers en 2000, contre 16 millions en 2006.
(Crédit photo : Flickr/CC/Andy Mitchell)