Dans sa dernière livraison, le Journal du Dimanche (26 janvier 2015) inflige à Marseille ce que Fox News a récemment commis à propos de Paris. On se souvient que la chaîne de Ruppert Murdoch avait détaillé sur une infographie aussi ridicule que pathétique pour l’expert qui la commentait, des « no-go zones », des quartiers réputés impénétrables, situés sur la rive droite de la capitale.
Là régnaient, à écouter nos confrères US, la drogue, l’intégrisme islamique, le grand banditisme. En un mot des jungles urbaines. Depuis le « savant » de salon et les journalistes de la chaîne se sont confondus en excuses plus ou moins recevables. Ils ont donc été relayés ce week-end par le JDD de M. Arnaud Lagardère qui a un point commun avec M. Murdoch : sa connaissance du monde a rarement dépassé le périmètre de l’avenue Montaigne et des Champs Elysées ou pour le grand frisson les boîtes canailles de la côte d’Azur.
Les 9ème et 11ème arrondissements de Marseille
Dans le journal du septième jour, c’est encore une infographie qui dessine les contours des quartiers de non-droit ou la République a déserté. Elle n’a pas échappé à la sagacité de Jean-Jacques Fiorito qui dans La Provence du mardi 27 se fendait d’un billet plein d’humeur et d’humour. Comme lui nous avions été quelque peu surpris, en effet, de voir apparaître dans cette géographie urbaine des arrondissements marseillais qui ne nous paraissaient pas jusqu’ici être en danger de paupérisation aigüe. Les 11ème et le 9ème classés dans les « 64 quartiers ghettos de France » que pointent du doigt le JDD, voilà un raccourci que peu de gens bien informés auraient osé faire sur les rives du Lacydon. On objectera que prudemment en sa page 3 le JDD a titré au-dessus de son document « Cette carte qui n’existe pas ».
On conviendra malgré tout que s’agissant de la cité phocéenne nos confrères parisiens perpétuent une tradition de dénigrement qui n’en finit pas de durer. Ils pourront toujours se justifier en rappelant que quelques figures locales, de la poissonnière du Vieux Port au chauffeur de taxi, en passant par le flic à la retraite ou le truand repenti, apportent souvent de l’eau à leur moulin. Et puis ils pourront dire que dans leur formation au journalisme on leur a toujours préconisé de faire simple, court, direct. « Vous voulez dire qu’il pleut, écrivez il pleut » conseillait un grand journaliste du Monde. Oui, mais d’abord vérifiez qu’il pleut.