Madame, Monsieur,
Comprenez que ce que l’on appelle métropolisation est tout simplement la possibilité de répondre à ces défis en jouant collectif. Ce n’est pas un gros mot qui vous priverait de votre personnalité. Mais il n’y a pas de projet individuel qui ne s’insère dans un projet collectif. Dans toutes les grandes agglomérations du monde, et notamment en France, le pouvoir local s’est élargi sur des territoires vécus qui ne rentrent plus dans les limites communales ou intercommunales de leur histoire ; partout sauf ici.
Comprenez qu’il ne peut pas y avoir de politiques efficaces et cohérentes (de l’emploi, du logement, des transports, de lutte contre les inégalités, de l’environnement…) sur des territoires qui ne le sont pas, communaux ou intercommunaux. L’espace couvert par toute la partie Est des Bouches-du-Rhône est cohérent. C’est votre territoire. Il ne va pas très bien. [pullquote]Nous payons le prix d’un incroyable morcellement des pouvoirs, de concurrences invraisemblables[/pullquote]Si on compare les résultats économiques et sociaux de ce territoire à d’autres au niveau national (Lille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nantes…), vous ne savez peut-être pas que nous sommes en queue de peloton. Nous payons le prix d’un incroyable morcellement des pouvoirs, de concurrences invraisemblables entre les communes qui se croient toutes capables d’agir seules en ignorant superbement ce que font leurs voisines
La métropole n’est rien d’autre qu’un pouvoir organisé sur d’autres limites que celles de décembre 1789. Non pas, évidemment, pour affaiblir votre commune mais bien au contraire pour la fortifier en la positionnant dans un ensemble territorial plus large qui est celui de votre vie quotidienne : pour avoir un réseau de transports en commun digne de ce nom, pour dynamiser une économie languissante, invisible au niveau international, pour améliorer les conditions de votre vie quotidienne, pour préserver votre environnement, pour créer des emplois et construire de la solidarité nous nous avons tant besoin.
Vous pouvez comprendre les craintes exprimées par de nombreux maires qui font bloc, toutes tendances politiques confondues, contre une réforme traduite par une loi dont le seul objectif est d’améliorer vos conditions de vie. Mais vous savez bien que les débats politiques sont devenus politiciens. La réaction de votre maire serait toute autre si vous pouviez lui dire que vous vous sentez comme des métropolitains qui font en moyenne plus de 30 kilomètres par jour, passant sans arrêt d’une commune à une autre sans même vous en apercevoir.
En matière économique, dans une société mondialisée, vous savez bien que la commune où vous habitez ne peut pas, isolement, faire grand-chose. En matière de transport, vous mesurez toutes les difficultés pour vous déplacer dans de bonnes conditions. En matière d’environnement, vous n’ignorez pas que les grands sites de ce territoire sont à cheval sur plusieurs communes. Vous savez bien aussi que la précarité n’est pas réservée à Marseille et que toutes les communes de ce territoire sont concernées par la pauvreté de plus de 15% de leurs habitants.
Changer d’échelle parce que nous avons changé d’histoire
Sur ce vaste espace qui va de Salon à Aix-en-Provence, de Martigues à Marseille, d’Istres à Aubagne, vous savez bien qu’il y a trop de chômeurs, trop de mal logés, trop de familles en situation précaire, mais aussi pas assez de transports en commun dignes de ce nom, pas assez d’opportunités offertes à vos enfants pour réussir leur vie, pas assez de logements notamment sociaux. Vous mesurez que ces problèmes ne sont pas uniquement ceux de la commune où vous habitez et vous comprenez que, posés à un niveau plus large, ils ont plus de chances d’être étudiés, analysés et résolus.
La métropole n’est pas la soumission de ce vaste territoire à un pouvoir communal, qu’il soit Marseillais, Aixois, Aubagnais ou Martégal. C’est le partage des idées, des talents, des espoirs et des compétences au service du bien commun. La métropole est un défi qui ne pourra être relevé que si vous acceptez de comprendre par vous-même la nécessité de changer d’échelle parce que nous avons changé d’histoire.
Relire les volets précédents :
[Chronique] La lettre aux métropolitains de Philippe Langevin : « La vérité doit être rétablie » (1/3)
[Chronique] La lettre aux métropolitains de Philippe Langevin : « Ce territoire est un tout » (2/3)