Après s’être débarrassée du fer dans ses effluents, Alteo continue de réduire son impact environnementale grâce à une station de traitement des eaux innovante.
Si les boues d’Alteo ne sont plus rouges depuis 2015, elles contiennent toujours des éléments polluants. En l’occurrence, du zinc et de l’aluminium dont les taux dépassent toujours les seuils réglementaires. L’usine d’alumine de Gardanne déverse actuellement dans la mer une eau contenant 131 mg/l d’aluminium et 0,06 mg/l d’arsenic alors que le seuil national est à 5 mg/l pour l’aluminium et à 0,05 mg/l pour l’arsenic. « Nous avons fait de gros efforts depuis plusieurs années en réduisant 99% nos rejets de métaux et nous avons développé des nouvelles technologies qui vont nous permettre de progresser encore », assure Frédéric Ramé, le président d’Altéo. En 2014 et 2015, l’industriel a investi 20 millions d’euros dans deux filtres-presses. Cet équipement lui a notamment de diminuer le taux de fer de ses effluents en dessous des normes imposées. Dorénavant, elle s’attaque à l’aluminium et à l’arsenic avec une nouvelle station de traitement de l’eau qu’elle a présenté ce jeudi 15 mars à la chambre de commerce et d’industrie de Marseille. Grâce à ce dispositif co-développé avec Air Liquide, Alteo affirme qu’elle respectera également la réglementation sur ces deux métaux dés l’année prochaine. « Nous avons déjà diminué les proportions de 68% l’année dernière. Ça fonctionne », se félicite Frédéric Ramé.
Un procédé inédit à base de CO2
Le procédé repose sur l’utilisation du CO2 qui va agir comme un acide pour réduire le pH de 12,4 à 9,5. Injecté dans l’eau rejetée par l’usine, il va favoriser la transformation des métaux dissous en solide afin de les séparer de la partie liquide. Ensuite, le mélange obtenu passe dans un bac de décantation qui permet de récupérer les éléments polluants sous forme solide et de déverser une eau plus claire. Pour le moment, le CO2 sera livré par camions sur l’usine mais à terme Alteo espère récupérer le gaz qui sort de ses propres cheminées. L’entreprise a investi 6 millions d’euros dans la réalisation de cette nouvelle unité de traitement qui doit entrer en service au premier semestre 2019. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée a participé à hauteur de 2,46 millions d’euros. Après l’aluminium et l’arsenic, Alteo doit encore s’attaquer à deux autres éléments polluants toujours trop présents dans ses effluents : les DBO (demande biologiques en oxygène) et les DCO (demande chimique en oxygène). De nouveaux tests devraient démarrer en avril pour résoudre ce dernier problème qui lui permettra de respecter l’ensemble des seuils réglementaires sur les rejets liquides avant la fin de la dérogation qui lui est accordée jusqu’en 2021.
A Mange-Garri, Alteo réduit aussi l’envolement des poussières
Les populations de riverains du centre de stockage de Bouc-Bel-Air d’Alteo restent cependant inquiètes de l’impact éventuel des poussières qui se dispersent dans l’air. Sur le site qui accueille les résidus de bauxite à Mage-Garri, l’entreprise stocke désormais 300 000 tonnes de boues sèches, soit trois fois plus qu’avant la mise en marche de son procédé de déshydratation. Ici encore, l’industriel assure travailler sur le problème et se veut rassurant : « Après presse, le résidu sec qui nous stockons n’est pas nocif pour la santé », affirme le président d’Altéo. Il met en avant les résultats de l’étude menée par Santé publique France sous la houlette de l’Etat l’an dernier qui n’a conclu à aucune incidence directe entre son activité et les pathologies des populations voisines. L’entreprise ne se contente pas de ces explications pour autant et a mis en place un certain nombre de dispositifs pour réduire l’envolement des poussières. Elle a par exemple entrepris une revégétalisation du site qui permet de bloquer une partie des émanations. Grâce à une station météo, un système d’arrosage automatique se déclenche les jours de forts vent d’Est afin de fixer les poussières au sol et enfin, elle effectue également un encroûtage sur les zones inactives, c’est-à-dire recouvrir les terres d’une fine couche de gel pour éviter les dispersions dans l’air. Mais la solution viendra peut-être de la revalorisation de ces déchets secs : « Notre vocation n’est pas de produire des résidus sans les réutiliser et nous travaillons sur la création d’une filière d’économie circulaire », annonce Frédéric Ramé. Avec des universitares et des spécialistes de la question, Alteo a lancé le programme « Bauxaline technologies » pour trouver des débouchés à ses déchets. Parmi les pistes évoquées, ils pourraient servir à la réalisation de matériaux de construction comme les tuiles ou le béton. La seconde option serait d’utiliser la bauxaline… pour dépolluer les sols et les eaux contaminés « car elle permet de piéger les métaux », explique le patron qui semble prendre plaisir à l’ironie de cette solution.
Alteo signe une belle année 2017 avec une croissance de 10 %
« Je suis content de participer à la réduction de la pollution industrielle mais j’aimerais bien me concentrer davantage sur au développement du business d’alumine », avoue Frédéric Ramé. Pourtant, le patron n’a pas à rougir de ses derniers résultats. L’entreprise a vu son chiffre d’affaires progresser de 10 % encore l’an dernier pour atteindre les 220 millions d’euros. Pour se démarquer de ses concurrents, l’industriel mise sur les produits de haute technicité. Son alumine sert déjà à la fabrication des écrans de téléviseurs et de smartphones mais il continue de trouver de nouveaux débouchés. Dernièrement, il a développé une nouvelle gamme de produits pour les batteries électriques et les isolants de circuit électronique haut de gamme. Se positionnement qualitatif lui permet de gagner des parts de marché en Asie qui est plus que jamais le continent le plus consommateur. Alteo réalise plus de 70 % de son chiffres d’affaires à l’export et dispose de filiales aux États-Unis, au Japon et en Chine. A Gardanne, il continue de renforcer ses équipes. L’usine emploie aujourd’hui 450 salariés et 400 sous-traitants. Rien que l’année dernière, ce sont 74 nouvelles embauches qui ont été réalisées.
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